Éditorial
Ceci n’est pas une religion
La Presse
Le mois dernier, une spécialiste américaine du climat et un mathématicien ont publié un article important dans la revue
. Selon leurs calculs, le climat serait moins sensible aux augmentations de la concentration de gaz à effet de serre que ce qu’indique le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la bible du domaine.« Notre étude, de même que d’autres recherches récentes, signifie que le réchauffement du climat dû à l’activité humaine devrait être moins élevé que le niveau “dangereux” de 2 degrés, sauf pour le scénario d’émissions le plus extrême du GIEC », conclut Judith Curry. Géophysicienne respectée, M
Curry est controversée en raison de ses déclarations sur le caractère incertain des prévisions relatives aux changements climatiques.Depuis quelques années, la professeure Curry a été traitée de tous les noms par certains de ses collègues. À l’opposé, ses propos ont été récupérés par ceux pour qui le réchauffement climatique est de la bouillie pour les chats.
Depuis plusieurs années déjà, l’étude des changements climatiques ne donne plus lieu à des débats scientifiques; elle est devenue le champ d’une guerre de religions. Ou bien on « croit » que notre planète se réchauffe en raison de l’activité humaine, ou bien on est un « climatosceptique ». Pourtant, il s’agit ici de mesurer et de prévoir le comportement des systèmes naturels les plus gigantesques et les plus complexes qui soient.
La science avance à grands pas, mais comme on peut le constater tous les jours à la lecture des articles scientifiques traitant de l’un ou l’autre des nombreux volets de la question, de vastes incertitudes demeurent.
Avant de continuer, rappelons le point de vue que nous exprimons ici depuis quelques années. Même si certains chercheurs, dont madame Curry, estiment que le consensus scientifique exprimé par les rapports du GIEC est en partie factice, nous nous en remettons à l’expertise de cet imposant groupe de chercheurs. Tout indique que, depuis quelques décennies, le système climatique se réchauffe rapidement. Ce phénomène est en grande partie dû à l’activité humaine, en particulier le rejet dans l’atmosphère de milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Si rien n’est fait, les changements climatiques auront des effets néfastes sur l’environnement et sur la vie de millions de personnes.
Cela dit, nous n’adhérons pas aux thèses catastrophistes parce que celles-ci reposent sur des extrapolations portant sur de très longues durées. Sachant qu’encore aujourd’hui, les spécialistes ne peuvent prévoir avec précision l’apparition et l’intensité du phénomène El Niño, on devrait demeurer réservé dans l’interprétation des modèles.
Les incertitudes quant à l’évolution des changements climatiques à venir ne doivent pas servir de prétexte à l’inaction. La simple prudence et un souci général pour l’environnement suffisent à justifier la réduction de la consommation des énergies fossiles.
Les conclusions simplistes dans un sens ou dans l’autre n’ont pas leur place dans un sujet d’une telle gravité. Il faut donc extirper la science climatique du combat idéologique dans lequel on l’a plongée, autant à gauche qu’à droite. Ainsi, la « pause » dans le réchauffement de la planète constatée entre 1998 et 2013 ne doit pas être niée par ceux qui « croient » aux changements climatiques. Elle ne doit pas non plus être instrumentalisée par les négationnistes. La science doit constater le fait et chercher à l’expliquer, tout simplement.
Heureusement, après quelques années d’hésitation, les scientifiques se sont mis au travail. On a émis l’hypothèse que la chaleur s’est accumulée dans les profondeurs des océans. Cependant, une étude publiée il y a dix jours par la NASA indique que la température de la partie la plus profonde des océans (plus de 2 kilomètres) n’a pas augmenté depuis 2005. Le mystère reste donc entier.
Peut-être pas pour longtemps. Si la tendance se maintient, l’année 2014 sera la plus chaude depuis qu’on dispose de données sur la température à l’échelle mondiale (1880), selon le National Climatic Data Center des États-Unis. La « pause » est peut-être terminée.